Pendant la seconde guerre mondiale, on suggéra à Winston Churchill de couper dans le budget des arts pour renforcer l’effort de guerre. Celui que sa grand-mère surnommait « le bouledogue » répondit simplement : « Mais alors, pourquoi nous battons-nous? »
Si j’étais ministre de la culture est un livre comme un projet politique. Il interroge la place de l’art dans la société. Au prétexte que l’art est parfois immatériel, invisible, inodore, la coupe budgétaire serait inoffensive ?
La culture blackboulée
Eh bien non. Pour le prouver, Carole Fréchette, l’auteure québécoise, a choisi d’illustrer le rôle essentiel de la culture en la mettant en scène par son interdiction dans la société. Elle va jusqu’à rédiger un décret ministériel prohibant toute manifestation artistique (avec une vraie affiche à l’intérieur du livre à placarder sur les murs des écoles et autres établissements publics)!
Thierry Dedieu, l’illustrateur, a pris le projet à bras le corps : il s’est chargé à la fois de réaliser les illustrations et d’ ’embaucher’ son éditeur, HongFei.
Dieu sait si Dedieu ne verse jamais dans la facilité! Chacun de ses albums présente une nouvelle facette de son talent. On retrouve toujours une constante dans son travail : l’engagement, la sincérité, le courage. L’absence absolue de complaisance.
Caricature et couleurs
Ici, ses personnages sont volontairement caricaturés et repoussants alors que les illustrations sont magnifiques et percutantes.
Une couleur sombre différente pour chaque double page (et on connait la valeur des couleurs en politique), des ministres à moustaches et favoris un rien ridicules, une ministre de la culture qui rappelle Edith Cresson, un chef d’orchestre sosie d’Abraham Lincoln, des enfants brailleurs et des préadolescents proches des zombies.
Bref, un livre trash et culte pour illustrer les vertus cardinales de l’art, souffle de la liberté.
5/5 BRAVO
Une réponse
[…] Thierry Dedieu, grand maître de l’album jeunesse depuis 1992, a illustré en 2011 la version du Petit Chaperon rouge de Charles Perrault. Pour rappel, Charles Perrault nous a offert la version trash, la version sans rédemption. Heureusement, Thierry Dedieu a pris soin de suggérer (sans les montrer) les scènes de violence pour ne pas traumatiser l’enfant lecteur. Celui-ci sait toutefois qu’il n’y aura pas de sauveteur, pas de chasseur bénéfique, pas d’échappatoire. […]