La justice se donne en spectacle dans les pages jeunesse

Quand on veut se débarrasser de son chien, on dit qu’il a la rage.

Proverbe français

Parce que calomnies et médisances gouvernent trop souvent, les humains ont inventé un grand concept : la Justice.

Breadcrumb vous convie à une petite promenade au fil des pages jeunesse pour réfléchir avec les enfants à cette question fondamentale  : qu’est-ce que la justice ?

La justice, une question de langage

Parmi les intervenants, la figure du juge est mal connue des enfants. Le vocabulaire des tribunaux ne leur est pas non plus familier.

Et pourtant, le sens de ce qui est juste ou pas est ressenti très tôt dans la société humaine.

Un très, très, bon album fait une présentation excellente du domaine : Le procès de Stéphane Henrich.

Comique et didactique (et ce n’est pas antinomique), l’album décrit à merveille le déroulement du procès d’un loup accusé d’avoir croqué un agneau.

« -En plus, il l’a dévoré tout cru ! -J’avais faim, Monsieur le Président. » Le procès de Stéphane Henrich (c)Kaléidoscope, 2013

Les limites de la justice

Essentielle au bon fonctionnement d’une société, la justice achoppe régulièrement sur ses limites : il y a d’abord les moyens financiers à mettre en oeuvre.

Ensuite, la lâcheté et les intérêts individuels sont des « valeurs » humaines communément partagées.

En outre, dénigrement, mensonge et calomnie surgissent facilement de la part de ceux qui ne s’embarrassent pas de moralité.

La Calomnie, mère indirecte du Golem

La calomnie est ainsi au cœur du Golem, une légende juive qui a inspiré de nombreux auteurs jeunesse.

L’une des versions est un magnifique album en papier découpé de David Wisniewski, datant des années 90, dont voici le point de départ :

En 1580, les Juifs de la ville de Prague sont persécutés et terrés dans leur ghetto. Une rumeur assassine les accuse de tous les maux. Le rabbin Loew se décide alors à créer un être de glaise chargé de protéger sa communauté… 

Le Golem (c)Le Genévrier

Le déni de justice

Parfois, la simple désinvolture de la part d’un puissant personnage devant une injustice peut entraîner de graves conséquences.

La désinvolture sert d’élément déclencheur des péripéties d’un livre que j’ai beaucoup exploité avec les enfants en accueils de classe  :  le conte de la chachatatutu et du phénix.

Publié aux éditions Syros, c’est un conte à fois très simple et très percutant du grand Jean-Louis Le Craver, initialement paru en 1994 et maintes fois réédité sous différents formats.

La chachatatutu, petit oiseau du Tibet faible et insignifiant, vient demander justice au puissant phénix car deux de ses trois œufs ont été mangés.

Or, le phénix la traite avec mépris. À ses yeux, la chachatatutu le dérange pour fort peu de chose.

Le phénix se paie même le luxe de lui rappeler que « c’est à la mère de prendre soin de ses petits ».

Par un enchaînement de circonstances et par la grâce du récit, le phénix va finir par se retrouver dans la même situation que la chachatatutu.

Le conte de la chachatatutu et du phénix parle à sa manière de conte du tort infligé à autrui. Et aussi du fait que, parfois, ce tort se paie un jour à l’identique.

C’est ainsi que :

De petites choses mal réglées peuvent avoir de graves conséquences.

Juste ou pas juste ?

Vengeance et jalousie, deux éléments d’un conflit dans L’Oiseau à deux becs

D’autres titres pourront être mis à profit sur le thème de la justice :

  1. L’oiseau à deux becs chez MeMo
  2. La mare aux aveux et
  3. La souris et le voleur de Christian Voltz
  4. Le prix d’une gifle dans Les philo-fables
  5. Sanji, le voleur d’odeurs

La justice n’est que l’application ou l’interprétation du droit, elle n’est pas toujours juste

Un personnage naïf, sorte de Monsieur Pipi, se retrouve sur le banc des accusés

Dans Les aventures de Gentleman Jim, un doux rêveur se fait laminer par une justice appliquée à la lettre.

Cet album « rétro » du Britannique Raymond Briggs se présente sous forme de bande dessinée où l’Histoire et l’Art s’entremêlent. Il est une base de réflexion tendrement ironique pour les 8-10 ans.

Pour les adultes

Dans son excellent essai Le singe en nous, le primatologue néerlandais Frans de Waal démontre que même chez nos cousins les grands singes, confiance et justice sont les deux fondements d’une communauté.

Puissent les édiles et les grands de ce monde s’en inspirer…

Références

  • Le procès. Stéphane Henrich. Kaléidoscope, 2013 (album)
  • Le Golem. David Wisniewski. Le Genévrier, 2013 (album)
  • La chachatatutu et le phénix. Jean-Louis Le Craver. Syros, 2014 (conte)
  • Les aventures de Gentleman Jim. Raymond Briggs. Grasset jeunesse, 2009 (album)
  • L’oiseau à deux becs. Sylvain Alzial et Olivier Philipponneau. MeMo, 2013 (album)

Bien des gens blâment ce qu’ils voudraient avoir.

Proverbe danois

Bonus

Bande annonce en anglais du Golem

 

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Une réponse

  1. […] que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. Les animaux malades de la peste Jean de La Fontaine, […]

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